Cité Gestion Private Bank : Innovation et durabilité au cœur de la stratégie de sélection de fonds

Dans cet entretien détaillé, Pascal Botteron, responsable des investissements chez Cité Gestion Private Bank offre un regard approfondi sur son approche unique de sélection de fonds externes et d’intégration de critères ESG. L’équipe d’investissement de la banque, composée d’une douzaine de spécialistes, déploie une architecture ouverte, gérant un portefeuille innovant et durable soigneusement construit. Découvrez comment leur démarche façonne une allocation d’actifs qui répond précisément aux besoins des clients et comment Cité Gestion se positionne en leader ESG, plaçant la gouvernance comme pierre angulaire de l’investissement responsable. Enfin, explorez les perspectives de la banque sur la sélection de fonds, leur vision stratégique en matière de technologie et de santé, et leur approche sélective des marchés géographiques.


Comment s’organise votre sélection de fonds externes ?

Pascal Botteron : Notre équipe d’investissement, composée d’une douzaine de personnes, endosse des rôles divers allant de la gestion de portefeuille à la sélection de fonds, en passant par la gestion de mandats personnalisés pour nos clients.

Il est très important de noter avant tout qu’une des composantes fondamentales de l’ADN de Cité Gestion Private Bank, est une architecture ouverte des investissements utilisés et proposés. Une sélection exigeante de fonds externe est par conséquent primordiale dans notre processus d’investissement. Une pratique régulière de notre équipe est la rencontre directe avec des gérants de fonds, une étape clé dans notre processus de sélection. Nous pourrions nous contenter de consulter les performances sur des plateformes comme Morningstar pour choisir les fonds les mieux notés, mais la véritable valeur réside dans la rencontre et l’évaluation directe des gérants.

Bien que nous ayons tous accès aux mêmes grands gérants de fonds, notre équipe expérimentée nous permet d’organiser une plateforme de fonds cohérente avec des gérants que nous connaissons personnellement.

La véritable valeur réside dans la rencontre et l’évaluation directe des gérants.

Notre approche est de type « bottom up », c’est-à-dire que nous avons un menu à partir duquel les gérants de portefeuille ou les conseillers peuvent choisir les supports d’investissement qui correspondent le mieux aux besoins de leurs clients.

Notre liste de fonds approuvés comporte environ 40 à 50 fonds. Pour le maintien de cette liste, nous avons un comité de sélection qui se réunit au moins chaque trimestre pour passer en revue tous nos fonds, qu’ils soient en cours d’investissement ou en observation. Certains fonds ne sont pas encore investis mais sont prêts à l’être rapidement si les conditions de marché deviennent favorables, comme cela pourrait être le cas avec la dette chinoise.


Sur quelles classes d’actifs investissez-vous au sein de votre architecture ouverte ?

P.B.: Nous disposons d’une trentaine de stratégies couvrant des domaines tels que le global equity, l’European equity et le Swiss equity, ce dernier étant essentiel puisque nous sommes basés en Suisse.

A NE PAS MANQUER
L’Interview Tête-à-Tête avec Pascal Botteron

Nous disposons également d’une architecture ouverte pour les stratégies alternatives où nous privilégions des solutions alternatives essentiellement UCITS éligibles au sein des assurances vies de nos clients. Pour certains investissements alternatifs, nous faisons appel à un due diligence indépendant pour conforter nos choix. Il est crucial pour nous de rester humbles et de reconnaître que, bien que nous ayons la capacité, le temps reste notre ressource la plus précieuse.


Comment intégrez-vous l’ESG au sein de vos allocations ?

P.B.: Depuis le rachat de la société Green Blue Invest par Cité Gestion, nous sommes devenus un leader en ESG, en plaçant la gouvernance au centre de notre démarche car nous croyons que l’ESG ne devrait pas commencer par ‘E’ comme la majorité des produits sur le marché, mais plutôt par ‘G’. La gouvernance est un catalyseur de performance.

Notre objectif est de montrer aux investisseurs sceptiques que l’ESG peut être performant.

Malheureusement, beaucoup de produits ESG actuels capitalisent sur l’émotion de l’investisseur, en abordant des sujets comme la biodiversité qui, bien qu’importants, sont plus adaptés au private equity qu’à l’investissement liquide. Pour générer de l’alpha, l’élément de gouvernance est crucial et toute notre recherche dans ce domaine est effectuée en partenariat avec une université. Nos études ont montré qu’une gouvernance efficace améliore naturellement l’approche environnementale et sociale d’une entreprise.

Cela démontre que l’on peut atteindre d’excellents classements ESG tout en réalisant de bonnes performances financières. Notre objectif est de montrer aux investisseurs sceptiques que l’ESG peut être performant, en mettant l’accent sur la gouvernance en tant que point de départ.


Comment cela se traduit au sein de votre sélection de fonds ?

P.B.: Dans notre processus de sélection de fonds ESG, nous considérons plusieurs facteurs, et valorisons les fonds reconnus comme Article 8 ou Article 9. Cependant, en pratique, cela ne fait pas de différence pour nous. Actuellement, obtenir le statut Article 9 nécessite un budget conséquent pour les honoraires d’avocats, hors de portée pour de nombreuses petites boutiques ESG performantes. Il est regrettable que l’ESG devienne un outil pour les gestionnaires d’actifs fortunés, alors que ceux pratiquant l’ESG de manière plus pointue et artisanale n’ont pas ces budgets.

Nous examinons donc minutieusement la stratégie de chaque fonds ESG, leur objectif et leur engagement réel. Nous restons vigilants, car aujourd’hui, l’ESG est souvent réduit à une case à cocher, éloigné de son objectif initial d’impliquer activement des acteurs travaillant avec un véritable but ESG.

La confusion entre l’impact investing, impliquant le private equity et la création d’emplois par exemple, et l’ESG, qui est plus une déclaration d’éthique des entreprises, est fréquente. Investir dans des sociétés cotées depuis longtemps n’améliorera pas le monde en soi. Un véritable investissement ESG vise à s’engager activement dans une entreprise pour induire un changement positif, une pratique malheureusement rare de nos jours.

Nous veillons à ce que les acteurs de l’ESG soient véritablement guidés par des convictions profondes.

Nous sommes donc très sélectifs avec l’ESG, recherchant des fonds qui aspirent sincèrement à l’être, au-delà de ceux qui revendiquent l’Article 8 comme simple formalité. Nous évaluons également les convictions de l’entreprise derrière le fonds : sont-elles authentiquement ESG ou l’entreprise soutient-elle, par ailleurs, des secteurs contraires à cette éthique ? Nous veillons à ce que les acteurs de l’ESG soient véritablement guidés par des convictions profondes.


Quelles sont les qualités indispensables que vous recherchez chez un gérant ?

P.B.: En ce qui concerne les hedge funds, maintenir des relations de long terme est essentiel, notamment avec des professionnels qui ont déjà traversé des crises telles que celle de 2008. Nul ne sait quand la prochaine crise frappera, mais pour nous, il est vital de travailler avec des professionnels qui ont démontré leur capacité à gérer les crises et avec lesquels nous entretenions déjà des relations pendant ces temps tumultueux. En ce sens, l’historique, la proximité avec le gérant et la compréhension de ses stratégies et de ses principes déterminent si un gestionnaire sera intégré à notre plateforme.

Nous recherchons également des gérants innovants.

Nous recherchons également des gérants innovants. Les idées les plus prometteuses émergent souvent de petits fonds gérés par des experts qui traitent de problèmes spécifiques. Cependant, les exigences élevées en matière de capital initial pour les fonds UCITS, avec des Total Expense Ratios (TER) acceptables, peuvent exclure ces petits gérants innovateurs.

En Europe, le régulateur met en place des barrières à l’innovation qui ne se retrouvent pas aux États-Unis, où il est bien plus facile de lancer un fonds avec moins de capital et moins de contraintes, favorisant une croissance et une innovation plus rapides.


Quels sont vos critères quantitatifs ?

P.B.: Nous avons de véritables perles dans notre sélection de fonds, mais nous sommes limités par un investissement minimum de 20 millions. Avec la complexité croissante des régulations et la taille de notre banque, nous devons considérer divers facteurs, y compris les ratios d’emprise d’un fonds.

Nous avons donc une préférence croissante pour les gérants fonds UCITS et nous avons aussi des fonds RAIF, bénéficiant de la réglementation flexible du Luxembourg. Les fonds RAIF sont adaptés pour la Suisse mais peuvent devenir complexes à gérer au-delà de ses frontières, surtout lorsqu’ils sont inclus dans des produits d’assurance vie.

Nous évaluons également minutieusement les écarts de volatilité et d’autres aspects critiques. La performance à long terme est fondamentale pour les fonds mutuels, tout comme l’organisation des équipes ou l’utilisation de modèles quantitatifs lorsqu’un gérant s’en remet à eux. Il est crucial de bien comprendre le modèle et d’identifier les risques potentiels, tels qu’un changement de régime qui pourrait en impacter l’efficacité après trois ans. C’est pourquoi nous examinons avec soin les modèles systématiques ayant fait leurs preuves sur de multiples cycles.

Notre équipe, forte de plus de 20 ans d’expérience en moyenne, bénéficie de relations étroites avec de nombreux professionnels de renom que nous connaissons depuis leurs débuts.

Nous recevons par ailleurs des rapports de gérants chaque mois, et nous les intégrons dans nos portefeuilles afin d’effectuer une mise à jour régulière. Nous sommes très attentifs et si un problème émerge, nous agissons immédiatement. Grâce aux données fournies par Bloomberg, nous pouvons aussi suivre les performances plus fréquemment que sur une base mensuelle.

Concernant les grandes sociétés de gestion, nous veillons à ne pas être sur-représentés, ce qui nous permet un meilleur accès aux gestionnaires. Notre équipe, forte de plus de 20 ans d’expérience en moyenne, bénéficie de relations étroites avec de nombreux professionnels de renom que nous connaissons depuis leurs débuts, quand ils géraient un volume de capitaux plus modeste. Ces relations de longue date nous permettent d’engager le dialogue avec des gérants qui supervisent aujourd’hui plusieurs dizaines de milliards et qui seraient autrement moins accessibles. C’est comparable à suivre la carrière d’un chef étoilé depuis ses débuts qui se rappelle de vous, même après avoir obtenu sa troisième étoile.


Quelles sont vos méthodes pour suivre les gérants ?

P.B.: Nous disposons de mesures extrêmement rigoureuses pour suivre les activités des gérants de fonds. Nous communiquons régulièrement avec eux et, dans l’idéal, nous les rencontrons en personne.

Grâce à Bloomberg, nous pouvons suivre l’évolution de leurs actifs sous gestion (AUM), et il est révélateur d’observer si un fonds connaît des rachats ou des souscriptions. Ce suivi nous fournit des indices non seulement sur d’éventuels problèmes mais également sur l’attractivité d’une classe d’actifs, particulièrement si une accumulation de capitaux est observée, ce qui peut indiquer un élan intéressant se formant au sein de cette catégorie.

Dans le cas d’écarts de performance d’un gestionnaire, une déviation positive est généralement accueillie favorablement. Cependant, une déviation négative peut soulever des questions et nécessiter une investigation plus poussée.

Un signal d’alerte pour la désélection d’un fonds peut être, par exemple, un changement de gérant surtout en l’absence d’un plan de succession adéquat. Un changement peut être moins préoccupant si la société de gestion possède un processus robuste capable de le surmonter. Cela dépend également de la stratégie du fonds, mais c’est souvent plus un art qu’une science.

Je compare volontiers la sélection de fonds à la cuisine : on prépare un menu, et ensuite, tel un chef qui sélectionne ses produits au marché, on évalue les ingrédients – leur couleur, leur fraîcheur – et on ne juge pas une tomate et une banane avec les mêmes critères. Il en va de même pour notre processus de sélection de fonds.


Quelle est votre approche en ce qui concerne la sélection d’ETF ?

P.B.: Nous préférons travailler en amont avec des fournisseurs d’ETF et les approuver plutôt que d’approuver les ETF individuellement. Nous accordons une attention particulière à la taille de l’ETF, nous assurant qu’il dispose d’une liquidité suffisante. Bien que les ETF aient connu de nombreuses améliorations, nous sommes très prudents et évitons de sélectionner ceux qui impliquent des swaps de performance ou d’autres structures susceptibles de comporter un risque de contrepartie. Nous cherchons à éviter les scénarios semblables à ceux de 2008, où de nombreux ETF étaient exposés à des risques de contrepartie avec des banques en difficulté.

Depuis 2014, nous avons développé un modèle géré en interne qui investit exclusivement dans des ETFs.

Nous investissons en particulier dans des ETF thématiques et nous disposons aussi d’une gestion discrétionnaire entièrement basée sur les ETF. Depuis 2014, nous avons développé un modèle géré en interne qui investit exclusivement dans des ETF. L’étendue des ETF disponibles nous permet de maintenir une allocation d’actifs stable avec environ 25 classes d’actifs différentes, chacune étant représentée par un ETF spécifique.


Quels secteurs regardez-vous avec intérêt actuellement ?

P.B.: La technologie est au cœur de la plus grande révolution de l’histoire de l’humanité que nous vivons actuellement. Des domaines très spécifiques, tels que la cybersécurité, représentent un enjeu capital. Statistiquement, plusieurs études estiment que la moitié des emplois de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui. Le monde change rapidement, tout comme il y a 200 ans avec le début de la révolution industrielle, quand les machines ont commencé à remplacer le travail des chevaux. Aujourd’hui, ce sont les processeurs, tels que ceux produits par Nvidia, qui sont à la pointe du changement.

La technologie reste un secteur d’investissement porteur car le monde est en pleine mutation.

Je suis persuadé que la technologie reste un secteur d’investissement porteur car le monde est en pleine mutation. Si vous examinez la composition du S&P 500, vous constaterez que les secteurs technologiques comme l’informatique et les services de communication représentent 55 % de l’indice.

Mais des entreprises comme Amazon, qui ne sont pas classées dans ces secteurs, sont aussi présentes. Ainsi, le plus grand indice au monde intègre, en réalité, bien plus de la moitié de ses actions dans la technologie. Si on considère le MSCI World, 70 % est constitué d’entreprises américaines. Par conséquent, une allocation d’actifs mondiale bien diversifiée est déjà presque pour moitié investie dans la technologie.

Notre réflexion s’oriente beaucoup sur la question du timing. Qui sera le prochain leader technologique mondial ? La Chine ne restera pas à la traîne très longtemps. La véritable interrogation est de savoir à quel moment investir en Chine, voir même sur les actions technologiques chinoises. C’est un sujet que nous étudions activement.

Un autre domaine porteur est celui de la biotechnologie ou des technologies de la santé. Ces secteurs, qui ont été décevants post-COVID, sont prêts pour un rebond. Nous avons adopté une position très favorable en recrutant des gérants de portefeuille spécialisés dans ce domaine car nous sommes convaincus que la biotechnologie va connaître une croissance significative. Actuellement, nous mettons donc l’accent sur la ‘Techcare’, qui concerne les technologies de la santé. Ce secteur est le théâtre d’une transformation technologique significative.

Les innovations dans le secteur alimentaire sont également captivantes. Ce secteur est en pleine révolution, depuis le véganisme jusqu’aux méthodes de conditionnement et de livraison. Il est très révélateur d’observer ces changements dans certaines industries. Les gérants qui possèdent des compétences spécialisées dans ces domaines attirent également notre attention.


Sur quelles zones géographiques investissez-vous ?

P.B.: Sur le plan géographique, nous sélectionnons des fonds mondiaux, mais aussi des fonds spécifiques aux États-Unis, à l’Europe et à la Suisse, conformément à nos racines bancaires suisses.

Nous avons des fonds asiatiques, mais nous ne nous aventurons pas dans des fonds de marchés émergents spécialisés comme ceux du Vietnam ou de l’Indonésie. Nous nous en tenons aux grandes zones géographiques.

Le Japon est aussi un marché essentiel pour nous, où nous bénéficions d’une expertise interne de longue date sur les obligations convertibles japonaises. Notre gérant, fort de plus de 20 ans d’expérience au Japon, observe des signaux très positifs qu’il n’avait pas vus depuis des années.

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